Suite à la décision de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) en 2004 d’avancer le début de l'enseignement des langues étrangères au niveau primaire, les cantons ont progressivement adapté leurs programmes. Cette nouvelle réglementation a suscité des débats intenses et variés, s'appuyant sur différentes sources telles que des études scientifiques, de la littérature spécialisée et des expertises. Ce sont différents aspects de l'enseignement des langues étrangères qui font l'objet de discussions, tels que l'ordre d'acquisition, l'âge des élèves au début de l'enseignement des langues étrangères ou les résultats de l’enseignement précoce.
A partir de textes scientifiques, politiques et médiatiques, le projet de recherche examine comment le discours sur l'enseignement des langues étrangères en Suisse fait référence aux autorités, à l'expertise et à l'évidence :
- Autorités : quels acteurs scientifiques, politiques ou autres sont cités comme étant des autorités et par qui ?
- Expertise : quels types d'expertise thématique et professionnelle peuvent être identifiés ? Quelles sources d'expertise sont admises et par qui ?
- Évidence : sur quels sujets et dans quels contextes du débat utilise-t-on telle ou telle source ? Quels arguments ne sont pas (ou rarement) étayés par des sources, mais par exemple par des références à des normes/valeurs ? Qu’est-ce qui est admis comme preuve empirique, qu'est-ce qui ne l'est pas et par qui ?
Le projet comprend quatre phases : 1) définition du corpus et recueil de documents ; 2) création du système d'analyse et attribution des références ; 3) analyse du contenu et du topos ; et 4) mise en commun des résultats, réponse aux questions de recherche et publication des résultats.
Ce projet a pour objectif de dresser un tableau synthétique du débat sur l'enseignement précoce des langues étrangères en Suisse alémanique et en Suisse romande depuis la décision de la CDIP en 2004. L'analyse de l'argumentation relative à certains événements discursifs permettra de mettre en lumière les configurations spécifiques du débat et de ses sous-débats, et de systématiser les topoï argumentatifs faisant référence aux autorités, à l'expertise et aux preuves scientifiques.
Le projet est pertinent à la fois sur le plan théorique et pratique. Pour une approche critique du discours politique et scientifique, il est important de montrer comment il est produit, quels objectifs sous-tendent les arguments avancés et quel rôle joue la référence à la scientificité, mais aussi aux résultats concrets de la recherche scientifique. Le projet examine comment certains arguments sont développés et utilisés, quelles connaissances scientifiques jouent un rôle dans ce processus et comment une distinction est faite entre les résultats scientifiques et les résultats « pseudo-scientifiques ». Le projet a également pour objectif d'acquérir des connaissances sur le rôle que jouent la science et d'autres sources d'autorité dans le discours public en Suisse, ainsi que sur la manière dont les résultats de la recherche influencent la formation de l'opinion publique.